Si le législateur a instauré un régime supplétif en cas de manquement de l’accord collectif sur le forfait jours, encore faut-il qu’il soit respecté !

Un salarié a conclu en octobre 2016 une convention de forfait jours avec son employeur selon les termes d’une convention collective qui n’intégrait pas tout le dispositif prévu par l’article L 3121-64 du Code du travail.

Il est licencié pour insuffisance professionnelle en juillet 2018 et saisit le conseil de prud’hommes en janvier 2019 de diverses demandes, parmi lesquelles une demande de nullité de la convention de forfait pour défaut de respect des articles L 3121-64 et L 3121-65 du Code du travail.

Si l’article L 3121-65 du Code du travail a été instauré par la loi Travail pour assurer la sécurité juridique des accords collectifs déjà en place – n’ayant pas instauré un document de contrôle des horaires de travail du salarié, une adéquation entre la charge de travail et les temps de repos du salarié, et enfin un entretien annuel avec l’employeur – encore faut-il que ses dispositions soient respectées.

Or, tel n’était pas le cas dans cet arrêt de la Cour de cassation du 10 janvier 2024 (n°22-15782) en relevant, laissant ainsi tous pouvoirs aux juges du fond, que :

 8. Après avoir retenu à bon droit que l’accord collectif du 5 septembre 2003, qui permettait le recours au forfait en jours, n’était pas conforme aux dispositions de l’article L 3121-64 du Code du travail, la cour d’appel a vérifié que les dispositions de l’article L 3121-65 du même code avaient été respectées. Elle a d’abord constaté que les tableaux de suivi ne reflétaient pas la réalité des jours travaillés par le salarié, peu important qu’ils aient pu être renseignés par l’intéressé dès lors que ceux-ci doivent être établis sous la responsabilité de l’employeur et a estimé que, dans ces conditions, il apparaissait impossible à l’employeur de s’assurer que la charge de travail était compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire. La cour d’appel a ensuite constaté que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation d’organiser avec le salarié un entretien annuel pour évoquer sa charge de travail.
9. La cour d’appel en a exactement déduit que la convention individuelle de forfait en jours était nulle.

La convention de forfait n’est pas seulement privée d’effet mais annulée…

 

CE QUE DIT LA LOI
L’article L 3121-64 du Code du travail dispose :
(…)
II.-L’accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l’article L 2242-17 (…).

L’article L 3121-65 dispose quant à lui :
I.- À défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l’article L 121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :
1° L’employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
2° L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° L’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération (…).

PATRICIA DREVON Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques

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