L’employeur peut être obligé de prendre en charge les lunettes de vue d’un salarié travaillant sur écran notamment lorsque celui-ci se plaint de la lumière visible discontinue et d’une détérioration de sa vue.

La CJUE a précisé, concernant l’application de la directive 90/270 du 29 mai 1990 (écran de visualisation), l’expression dispositifs de correction spéciaux qui doivent être fournis, après examen médical, à un salarié qui travaille sur écran : les dispositifs de correction spéciaux, prévus à cette disposition, incluent les lunettes de vue visant spécifiquement à corriger et à prévenir des troubles visuels en rapport avec un travail impliquant un équipement à écran de visualisation (CJUE, 22-12-22, aff. C392/21).

Autrement dit, l’expression dispositifs de correction spéciaux englobe les lunettes de vue et non pas uniquement les dispositifs utilisés exclusivement sur le lieu de travail dans l’exercice des tâches professionnelles.

Concernant la prise en charge des frais, la Cour de justice explique que l’obligation de fournir aux travailleurs concernés un dispositif de correction spécial pesant sur l’employeur, peut être satisfaite soit par la fourniture directe dudit dispositif par ce dernier, soit par le remboursement des dépenses nécessaires exposées par le travailleur, mais non pas par le versement d’une prime salariale générale au travailleur.

Toutefois, l’employeur peut verser une prime spécifique dès lors qu’elle couvre les dépenses spécifiquement avancées par le travailleur concerné pour l’acquisition du dispositif de correction spécial.

Concernant l’application de cette jurisprudence européenne en droit interne, le salarié pourrait, selon nous, demander le remboursement par l’employeur de ses lunettes de vue lorsqu’il travaille sur écran en sa basant sur cette décision de la CJUE et au regard du principe général prévu en droit français qui impose à l’employeur de prendre en charge tous les frais exposés par un salarié pour les besoins de son activité professionnelle, et dans l’intérêt de l’entreprise, sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui est due au salarié.

Autrement dit, l’obligation en droit français qui pèse sur l’employeur de prendre en charge les frais professionnels engagés par un salarié (ici des lunettes de vue pour un travail sur écran) doit être, selon nous, appréciée à la lumière de la décision de la CJUE du 22 décembre 2022. Pour rappel, la Cour de cassation se doit de juger une affaire interne en interprétant le droit français au regard du droit communautaire.

En l’espèce, rien ne semble interdire au juge français de procéder à une interprétation conforme du droit français au droit communautaire. Le juge français ne s’exposerait pas à une interprétation contra legem. Le juge national a l’obligation de recourir à l’interprétation conforme, y compris en écartant une jurisprudence nationale consolidée contraire au droit de l’Union.

Nous espérons vivement que la Cour de cassation viendra prochainement confirmer notre point de vue…A noter que la prise en charge par l’employeur du coût des lunettes de vue ne sera possible que dans le cas où le salarié ne peut se faire rembourser au titre du 100% santé ou lorsque pour une raison ou pour une autre les lunettes de vue resteront, totalement ou partiellement, à la charge du salarié.

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