L’employeur, qui est alerté de faits susceptibles de constituer un harcèlement, doit prendre toutes les mesures utiles pour vérifier les faits allégués, notamment en procédant à une enquête. S’il ne le fait pas, il pourrait, dans certaines circonstances, contrevenir à son obligation de sécurité quand bien même les faits de harcèlement ne seraient pas établis.

Si un employeur ayant connaissance de faits constitutifs d’un éventuel harcèlement (dénoncés par un salarié) n’est pas nécessairement dans l’obligation de diligenter une enquête interne (Cass. soc.,12-6 24, n°23-13975 : Dans son appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui a fait ressortir que l’employeur avait pris les mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée, a pu en déduire, nonobstant l’absence d’enquête interne, que celui-ci n’avait pas manqué à son obligation de sécurité), le Défenseur des droits, dans une décision en date du 7 juillet 2025, a précisé que l’absence d’ouverture d’une enquête interne à la suite de faits de harcèlement sexuel signalés par une salariée dans le cadre de ses fonctions, alors même qu’il eût été utile d’en diligenter une, est de nature à caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de santé et de sécurité (Défenseure des droits, déc. n°2025-130 du 7-7-25).

Attention, une enquête interne réalisée par l’employeur au sein de l’entreprise, à la suite de la dénonciation de faits de harcèle¬ment moral, ne constitue pas une preuve déloyale, même si la salariée accusée du harcèlement n’a été ni entendue, ni informée de l’enquête (Cass. soc., 17-3-21, n°18-25597).

L’exi¬gence d’exhaustivité et d’impartialité de l’enquête n’impose pas que tous les collaborateurs d’un directeur soupçonné de harcè¬lement soient auditionnés (Cass. soc., 8-1-20, n°18-20151).

Le rapport d’une enquête interne même incomplète peut être produit par l’employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié.

Il appartient alors aux juges du fond, dès lors qu’il n’a pas été mené par l’employeur d’investigations illicites, d’en ap-précier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties, peu important que seules les victimes présumées aient été entendues et que le CHSCT (désormais le CSE) n’ait pas été saisi (Cass. soc., 29-6-22, n°21-11437).

Dans une décision en date du 18 juin 2025 (n°23-19022), la chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu que les juges du fond pouvaient souverainement écarter une enquête interne incomplète, même si le CHSCT avait été associé à l’enquête, dans la mesure où :

certains témoignages étaient manquants (seulement cinq comptes rendus sur les quatorze entretiens réalisés étaient produits ; il ne pouvait être écarté que les témoignages non produits l’ont été en raison de leur caractère favorable au salarié ou de ce qu’ils infirmaient précisément tout ou partie des faits imputés à ce dernier) ;
certains faits décrits n’étaient confirmés par aucune autre personne bien que des salariés en aient été témoins selon l’intéressée ;
certains témoignages ne permettaient pas d’établir que les personnes avaient été personnellement témoins des faits ;
le compte rendu d’entretien avait été tronqué, le nom des personnes citées étant caviardé, et les faits relatés n’étaient corroborés par aucun autre élément.

Tous ces éléments faisaient que l’employeur n’établissait pas, par des éléments suffisamment probants, les faits de harcèlement dénoncés et le doute devait dès lors profiter au salarié accusé.

Finalement, face à des faits de harcèlement, l’employeur est sérieusement encouragé, par la législation et la jurisprudence actuelles, à engager rapidement une enquête, qu’il doit mener de manière exhaustive et impartiale, s’il veut se baser sur le résultat de cette enquête pour licencier un salarié accusé de tels comportements.

PATRICIA DREVONSecrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques

SECTEUR DES AFFAIRES JURIDIQUESLe secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.