INFO MILITANTE par Valérie Forgeront

Alors que la Sécu en 80 ans a prouvé son efficacité et son caractère « indispensable à la cohésion sociale de la République » soulignait la commission exécutive de FO le 22 mai, le modèle social à la française est toutefois dans le viseur de l’exécutif. Celui-ci, à la recherche d’économies supplémentaires sur les dépenses publiques pointe son coût. Le président de la République, semblant ne pas écarter un changement de paradigme, propose d’étudier la possibilité d’autres modes de financement. S’élevant contre toute nouvelle déréglementation et attaques de la protection sociale, FO travaille pour sa part à obtenir de nouveau droits par la négociation et continue donc plus que jamais à porter ses revendications.

« Le mode de financement de notre modèle social (…) repose beaucoup trop sur le travail » a asséné le 13 mai au soir le Président de la République, lors d’une longue interview télévisée. Pour Emmanuel Macron, il faudrait qu’il soit financé « davantage sur d’autres facteurs, en particulier la consommation ». Il demande au gouvernement de lancer « un chantier » sur ce thème par la tenue d’une conférence sociale.

Pour l’instant, aucune précision n’a été apportée, ni de date fixée. Pas plus lors de l’interviewé le 27 mai sur BFM du Premier ministre se disant lui aussi « favorable à ce qu’on recherche un financement différent à notre modèle social ». François Bayrou propose que les interlocuteurs sociaux planchent sur le sujet, qui comprend entre autres celui d’une TVA sociale, soit la suppression de points de cotisations sociales sur le travail (employeurs, salariés) et leur report sur la TVA.

Les déclarations de l’exécutif ont donc fait ressurgir des oubliettes cette mesure qui aboutirait à une hausse de cette taxe forfaitaire inique, payée par tout consommateur, riche ou pauvre. Une telle mesure « est tout sauf juste socialement » a immédiatement rappelé FO par la voix du secrétaire confédéral chargé de la protection sociale collective, Éric Gautron. Et de mettre en garde : « dès lors qu’on bascule de la cotisation vers de l’impôt, c’est l’étatisation » de la Sécu.

Adoptée en février 2012 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la loi sur la TVA sociale avait été abrogée dès juillet, sous la présidence Hollande.

Les alibis des économies et du « coût » du travail

Alors que le modèle social « à la française » est né du Conseil national de la résistance et d’un combat syndical de longue date visant à créer des garanties à spectre large (santé, travail, vieillesse, famille, …) pour les travailleurs -cela dans la solidarité et par le biais des cotisations du travail-, le fait de prôner non plus « simplement » de nouvelles économies mais de vouloir modifier l’architecture de financement de ce modèle ne manque pas d’alerter. D’autant que depuis trente ans, au fil des réformes, et toujours au nom des économies de dépenses publiques et de baisse du « coût du travail », la fiscalisation des ressources de la sécu s’affirme déjà dangereusement. En 2023, les cotisations représentaient 57% de ces ressources. La CSG, les différents impôts, taxes et autres contributions, 38%.

Le 15 mai dernier, le ministre de l’Economie estimait lui aussi que le mode de financement du modèle social –financement qu’Éric Lombard juge « coûteux » – doit être « modifié ». Il préconise de laisser la main aux interlocuteurs sociaux dans ce débat sur le financement.

Le gouvernement est de son côté à la recherche d’économies massives, avec un effort annoncé de 40 milliards d’euros minimum en 2026 sur les finances publiques. Et François Bayrou prévoit d’annoncer en juillet « un plan de retour à l’équilibre des finances publiques sur trois ou quatre années ». Somme toute, une nouvelle trajectoire pluriannuelle. Mais à l’évidence, dans ce contexte de recherche -récurrente- d’économies, la problématique de pistes possibles pour des recettes fiscales et sociales supplémentaires est esquivée. Le gouvernement n’annonce pour l’instant aucune mesure visant les plus riches et les grandes entreprises.

« La protection sociale collective, un véritable choix de société »

Dès mars dernier, le Premier ministre avait saisi trois Hauts conseils (Famille, Avenir de l’assurance maladie et Financement de la protection sociale) afin qu’ils proposent des pistes d’économie dans le champ de la sécurité sociale. De son côté, la Cour des Comptes a publié le 26 mai un rapport alarmiste sur les finances de la Sécu qui en 2027 seraient en crise majeure.

Dans une interview publiée le 13 mai au matin par le quotidien Les Echos, le secrétaire général de la confédération faisait lui une proposition. « Gouvernance, financement… Mettons les interlocuteurs sociaux autour de la table pour négocier sur la protection sociale collective qui est un véritable choix de société et sur laquelle ils ont toute légitimité. A Force ouvrière, nous appelons le gouvernement à nous saisir de ce sujet, non pas dans l’urgence, mais pour construire un compromis social à long terme. », indiquait Frédéric Souillot.

Pour FO, négocier ne signifie pas bien sûr donner un quelconque assentiment à une remise en cause de la Sécu. Réunie le 20 mai, la commission exécutive de FO a d’ailleurs fermement rappelé entre autres son attachement au « maintien de la sécurité sociale de 1945 fondée sur le salaire différé » et indiqué qu’elle « s’opposera à toute remise en cause » de celle-ci. FO qui « dénonce l’affaiblissement de ce modèle » social, « ne participera pas à son démantèlement ».

VALÉRIE FORGERONTJournaliste à L’inFO militante